Et comment j’ai eu peur de débuter le GN
En lisant les commentaires de partages d’un de mes articles, je suis tombée sur celui-ci :
Alors, je ne sais pas si l’on peut forcément parler de courage. Il faut du courage pour sortir quelqu’un d’un bâtiment en flammes ou pour se pointer à un premier rencard Tinder avec sa veste en fausse-fourrure orange (#noregrets). Pourtant, j’ai connu aussi mon lot d’appréhensions avant d’oser m’inscrire à mon premier GN.
Partons du postulat, pour cet article, que tes obstacles pour débuter dans le GN ne sont pas les finances ou la mobilité (quelle utopie), mais au contraire ces fameuses petites appréhensions qui, personnellement, m’ont longuement fait hésiter avant de sauter le pas.
Peut-être l’un ou l’une d’entre vous va se reconnaître là-dedans. Peut-être n’en avez vous eu aucune (tant mieux), une partie ou chacune de celles-ci. Dans tous les cas, voilà comment je m’en suis sortie de mon côté.
“Je ne connais personne qui fait du GN”
Ca tombe bien, moi non plus au départ ! Enfin non, pas exactement. Quand je suis arrivée dans le nord de la France, j’ai redécouvert le GN par le biais d’une camarade de cours qui y participait épisodiquement. En dehors d’elle, personne dans mon cercle d’amis ne pratiquait le GN dans la région, personne ne savait ce que c’était ou bien les gens pensaient que j’étais juste très excitée par le Groupe Nominal.
Je n’avais donc aucune “passerelle” d’entrée dans ce milieu. Même après avoir suivie mon amie sur une expérience commune où elle organisait, une fois sur place lors de ce premier événement, j’ai dû la croiser en tout et pour tout dix minutes sur trois jours.
De fait, je n’avais aucune tête connue autour de moi vers qui me référer ou me tourner en cas de doute ou de question sur les habitudes d’un GN. Quant aux personnes avec qui j’ai interagi sur place, ils et elles étaient des inconnus complets. Fort heureusement – et c’est sans doute ce qui t’arrivera aussi -, nous avions pu faire connaissance en amont pour la préparation du jeu, par le biais de mises en contact de l’organisation et de discussions sur les groupes ou des réseaux sociaux.
Démarrer le GN seul.e, par ses propres moyens, est assez rare. Beaucoups de GNistes vont entreprendre la découverte du GN par le biais de leur compagnon/leur compagne ou parce que des potes font d’ores et déjà du GN. Mais parfois, tu découvres ce hobby au détour d’un article ou d’une vidéo (genre, les miennes, si c’est le cas, merci et désolé au fait). Après, il faut bien l’avouer, c’est toujours un peu anxiogène de se pointer dans un endroit où tout le monde semble se connaître. Et débuter sans connaître quiconque est difficile, voire décourageant si tu as une nature introvertie, mais pas impossible.
Je me souviens qu’à mes premiers GNs, j’avais été un peu surprise (et à force, agacée) par la question “et tu es la meuf de qui?”, que j’ai entendue à maintes reprises, tant des participants semblaient habitués à voir une nouvelle tête débarquer dans une communauté où tous se connaissent, uniquement par le prisme d’un concubin. Mais finalement, je m’y suis fait ma place.
Tu peux toujours essayer de trouver des bars dans ton coin qui réunissent des GNistes ou essayer de dénicher des lieux où les gens s’entraînent aux combats. La plupart des grandes villes ont toujours un HUB à GNistes dans les parages, où s’organisent événements et parfois des murders ou des formats courts.
Fort heureusement, au terme de mon premier GN, je ne suis pas repartie les mains vides : j’y ai fait des connaissances, ces dernières m’ont aiguillées vers d’autres GNs, où je me suis faite d’autres connaissances et caetera… Et me voilà. Ce sera exactement ce qui va t’arriver. T’inquiète. Ca va aller. Respire.
“Je n’ai aucune compétence de création et donc, pas de costumes”
Ce n’est pas grave. Tu n’as pas besoin de devenir une crafteuse de l’extrême ou un costumier exceptionnel pour venir nous rejoindre. J’ai débuté le GN sans aucune compétence artistique.
Et pourtant, des années plus tard… Non, je déconne, je n’en ai toujours aucune. A part peindre sur des cartons, si ça compte. Je ne pourrais pas coudre un ourlet quand bien même ma vie en dépendrait, menacée d’un flingue sur la tempe. Alors, certes, j’apprends et j’ai parfois réussi à fabriquer deux-trois trucs mais uniquement parce que j’en ai eu envie d’essayer.
Je pense qu’avec le temps, j’ai développée une certaine aptitude à chiner pendant des heures et assembler des costumes réalistes en mélangeant les pièces, trouver les bons accessoires, c’est là que se trouve mon “talent”.
Mais fabriquer quoi que ce soit ? Nope. Ce n’est pourtant pas les ressources qui manquent, les groupes d’entre-aides et les tutoriels. J’ai juste décidé de mettre mes oeufs dans d’autres paniers.
Il est certain qu’il existe, insidieusement, une certaine pression à avoir des costumes exceptionnels. Mes flux instagram ou FB peuvent parfois être relativement anxiogènes à ce sujet. D’autant que j’ai pas mal d’amis et de connaissances dans le milieu de la reconstitution historique. Leurs costumes me donnent toujours autant l’impression de m’être pointée, en comparaison, avec une croûte de chez Méga Fête dans lequel aurait vécu une portée de ratons laveurs. Toutefois, cette pression comparative, nous sommes souvent les seuls à nous l’imposer.
Lorsqu’il y a des prérequis importants de costumes sur un événement – le fameux “il vous sera demandé une attention particulière aux costumes” – qui annonce des dépenses supplémentaires, c’est toujours précisé en amont dans les documents de jeux. Et certains groupes vont jusqu’à acheter des lots de costumes similaires, notamment des uniformes pour des factions militaires, afin d’intégrer facilement des nouvelles têtes sans que ces derniers ne se sentent à côté de la plaque.
Bien heureusement, si tu n’as aucun talent et que -comme moi- tu ne prévois pas d’en développer (ou que tu n’en n’as juste pas le temps), sache qu’il existe non seulement des revendeurs de prêts à porter de GN, mais aussi des boutiques de costumes historiques où tu peux en louer pour l’occasion.
Le milieu du GN est aussi peuplé de costumières et de costumiers qui prennent des commandes sur mesure. Tu peux aussi demander auprès de la communauté si quelqu’un peut t’en prêter surtout pour un seul rôle. Il n’y a aucune honte à dire que tu n’as pas de matos, on est compréhensif dans le GN, tu sais.
“J’ai pas le physique de l’emploi”
Quand je tapais GN ou LARP (l’acronyme du mot anglais pour GN : Live Action RolePlay) sur Google, que je regardais des comptes instagram ou Youtube, j’avais bien du mal à me visualiser là dedans. En gardant à l’esprit que je n’avais alors pas de potes qui faisaient du GN, je n’avais évidemment pas à disposition dans mes fils d’actualités des albums de photos de jeux me permettant de jeter un coup d’oeil à des participant.e.s et réaliser la diversité des silhouettes qui s‘y trouvait.
Il y avait bien mon amie dont je parle plus haut, mais c’est une bombasse blonde qui à l’air de sortir d’un plateau de tournage de Viking, donc, CQFD. C’est un peu comme taper “cosplay” et réaliser le niveau de bonnassitude minimum de ses participantes. Les beautés diaphanes, graciles, aux yeux clairs et nez en trompette me donnaient l’impression qu’en comparaison, avec mon gras aux fesses et mon tarin à la Gina Linetti, j’allais faire tâche dans le paysage ou, au pire, être coursée par des villageois en colère, fourches et torches en mains.
Est-ce que le capital beauté a une importance pour participer à un GN ? Non, bien sûr. Mais je ne voulais pas pour autant me lancer dans un hobby me permettant de m’évader pour me retrouver à ne jouer que des rôles de “sidekick dodue mais drôle de la princesse”, sorte d’équivalent ovarien de Frère Tuck, faute de correspondre à une certaine image d’Épinal de la GNiste de base.
Alors oui, si vous vous rendez sur des sites de costumes de GN, ce sont fort souvent de très jolies filles et de beaux mecs utilisés sur des images promotionnelles. Armstreet par exemple, me donne des crises d’apoplexie, mais c’est le commerce, c’est ainsi.
Après, n’imaginez pas que ce soit simplement de la parano militante : Vous seriez pourtant choqués de réaliser à quel point la culture du physique peut être réelle dans certains milieux du GN à l’international. Au point d’en devenir toxique. Je connais notamment un GN à l’étranger (dont les photos de jeux sont régulièrement partagées, et NON ce n’est pas Mythodea) où il est notoire que l’on va chercher les plus jolies filles de chaque faction pour les mettre en première ligne avant chaque bataille, afin qu’elles soient photographiées pour la promotion de l’événement. Sale, hein ?
Mais tu sais quoi ? Le GN, fort heureusement, c’est encore la cour des “misfits”. C’est blindé de grassouillettes courtes sur pattes (bonjour, moi, c’est Cora), de gens qui se trouvent trop grands, trop petits, de maigres, de gros, de barbus, d’imberbes, de quinqua et plus qui se pensent être trop vieux pour ça… Si tu as des complexes, bienvenue au club, voilà ton tote-bag gratuit et prends un siège.
Je ne vais pas prétendre que ce qui te complexe ne risque pas de te revenir dans la gueule. Je me suis déjà fait entendre que j’étais trop grosse pour jouer une elfe (un jour, je vais finir par le faire, cet article sur immersion vs réalisme..) et un joueur à déjà utilisé MES critères physiques pour insulter mon personnage.
Il a fallu que je lui rappelle gentiment que même si j’admirais son interprétation passionnée du gros con en colère, je préférais qu’il insulte mon personnage en utilisant autre chose que ce qui faisait partie intégrante de ma silhouette réelle. Notre haine mutuelle entre personnages était certes fictive, mais mes bourrelets, eux, bien réels.
Fort heureusement, ces incidents sont minoritaires et pas représentatifs de mon expérience générale dans le grandeur nature, ce ne sont que deux interactions médiocres noyées parmi des centaines d’interactions formidables. Et si je sais que mon physique et mes mimiques tiendront toujours plus du mélange contre-nature de Robert de Niro et de Josiane Balasko dans “Nuit d’ivresse” qu’une de ces modèles splendides sur Armstreet, finalement, mes craintes se sont révélées inutiles. Je n’aime toujours pas particulièrement ma tronche sur la plupart des photos de GN mais finalement, loin de les exacerber et sans m’entretenir pour autant dans la désillusion, le GN m’a au contraire permis de m’affranchir d’énormément de complexes.
Si l’on m’avait dit que j’accepterais un jour de chanter et danser sur scène en porte-jarretelle pour jouer une danseuse de cabaret berlinois des années 30, j’aurais gol-ri très fort. Et pourtant, je l’ai fait. Au final, mon seul obstacle, c’était moi.
“Ma famille va trouver ça débile”
Dans ma famille, on est pas très fan des choses différentes ou qui attirent l’attention. Tout ce qui sort du cadre est sujet à moquerie, remarques acerbes ou grincements des dents.
Là pareil, quand tu atteins un certain âge, tu en as vite rien à carrer de l’opinion des autres. Mais quand tu démarres plus jeune, si tu n’as pas déjà cette attitude du “je m’en fous de ce que vous en pensez”, cela peut-être assez difficile de faire comprendre ce hobby. Au début, je noyais le poisson en prétendant que je faisais du théâaaaaatre, cela passait mieux.
Fort heureusement à présent, non seulement je m’en fous mais j’explique ce que je fais avec enthousiasme, en décrivant tout le bien que cela me procure et les contributions positives dans ma vie. Les rencontres que j’ai pu y faire, et hey, si tes parents sont des adeptes de Lindenkin, t’as qu’à dire que le GN te permet de faire du networking. Start Up Nation, ma gueule.
Toutefois, j’ai réalisé que pour faire en sorte que les autres ne trouvent plus ce hobby honteux ou ridicule, il fallait que cela débute par ma propre perception du GN et ma façon de le présenter à l’extérieur. J’ai cessé de le dévaloriser automatiquement, car persuadée que ce serait d’office dévalorisé.
Et si ta mère -comme la mienne – a un fantasme sur Jeff Goldblum, tu peux très bien lui dire que même le grand Jeff s’est lancé dans le GN l’an dernier. Je ne sais pas quelles sont tes dynamiques familiales, mais chez moi, si par exemple je voulais devenir une fasciste, il suffirait que je dise à ma mère que Jeff Goldblum s’est inscrit chez les Sturmabteilung pour qu’elle se décide de m’envoyer un colis de 50 chemises brunes.
Et au pire, si ta cousine Laetitia te demande si ces dépenses-là ne sont pas un peu superflus pour un loisir de gamin, fais-toi le plaisir de rappeler que non seulement son mariage lui a coûté 15.000 euros pour finir en divorce trois ans plus tard mais que tu portes vachement plus souvent ton gorgerin que sa robe Pronuptia qui, soit dit en passant, prend la poussière dans l’armoire. Et sinon, les enfants, ça va ?
Je viens soudainement de me souvenir pourquoi je ne suis pas la bienvenue aux réunions de famille.
“Je suis peut-être pas assez Geek pour faire du GN”
Alors ça, c’est ENCORE quelque chose dont on se fout probablement une fois passée la trentaine ou la quarantaine. Mais le GN, vu de l’extérieur, peut être relativement effrayant et empreint d’un certain communautarisme chez les plus jeunes. On a pas les mêmes appréhensions à 18 ans qu’à 37. Cela relève d’une crainte qui pourrait se résumer à “suis-je assez geek pour faire du GN?”. Devine : tu n’as pas besoin de l’être. Point final.
Il est vrai qu’on peut vite s’imaginer que pour faire du GN, il faut pré-appartenir à une certaine communauté collectionnant les cartes Magic et accumulant les livres de JdR entre deux boîtes de Zombicide. La première fois où j’ai accompagnée des potes dans un bar à thématique “geek” pour assister à une Murder, je me suis sentie un peu à côté de la plaque, entourée de t-shirts Star-wars et de références Harry Potter.
Ma culture “geek” est principalement vidéoludique, grâce à mon frangin qui me faisait jouer à Alerte rouge et Golden-Eye en boucle dès que j’ai su tenir une souris d’ordinateur. Mais tu ne peux pas forcément impressionner les autres en claquant des références à Monkey Island en boucle. Et la seule Funko Pop que je possède est un Cthulhu doré. Parce que j’aime le Bling, fut-il indicible.
Je ne possède pas de t-shirt de franchise, je n’ai jamais vu un seul épisode de Doctor Who (et je ne compte pas m’y mettre, désolée, je dois finir Shameless d’abord). Je découvre seulement maintenant Harry Potter, d’ailleurs je viens de voir La Coupe de Feu cette semaine. Puisqu’on en parle, c’est moi ou, sérieusement, les personnages de Durmstrang et Beauxbâtons en portent une sacrée couche niveau stéréotype slave et franchouillard, sans déconner on est à deux doigts à ce que les élèves étrangers s’appellent tous Vodka Kalashnikov et Etoile Parmentier, bordel.
Et ça ne s’arrête pas à la geekerie mainstream. Cela va jusqu’au goût musicaux : le GN fait parti de ces hobbies où il paraît, chez ses participant.e.s les plus jeunes, qu’il faut idéalement être en adoration pour le Métal. Je ne sais pas vous, mais mes New-Rock à talons sont à la cave depuis quinze bonne années, avec mes albums de Cradle of Filth et d’Epica.
Mais il serait bon de ne pas oublier une chose : nous ne sommes plus au lycée. Dieu merci.
Tu as pas besoin de relire le Silmarillion chaque année religieusement. De savoir peindre des figurines Warhammer. D’être à jour sur l’univers étendu de Star Wars. Tu n’as pas besoin d’être un fan.e de métal pour être légitime. De préférer Linux. Ou de savoir ce qu’est Linux. Tu peux aussi porter des polos Brice, n’avoir joué qu’à Skyrim et juste avoir vaguement regardé Games Of Thrones ou Big Bang Theory. Ou rien de tout ça.
Grâce au GN, je suis désormais entourée de potes accumulant des t-shirts Hellfest, Graspop et Motocultor, ce qui n’empêche en rien que je préfère bouger mon booty sur du Lizzo ou que ma musique de téléphone reste “No Diggity” de Blackstreet. Parce que je le répète pour les sièges du fond : nous ne sommes plus au lycée. Et si je veux écouter (brailler) du Miley Cyrus en peignant mes ongles roses fushia dans ma baignoire, ça n’en fait pas moins une GNiste, merci bien.
Et si en effet -parce que oui, il y en a- certaines personnes te font malheureusement ressentir que ta non-assimilation à la Geekerie fait que tu n’as pas ta place dans le milieu : trouve d’autres personnes, parce que ce sont des con.ne.s. Le communautarisme, c’est nul.
(Merci à la Grandiose Saki Jones pour cette illustration d’en-tête ).
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