Nique sa race, le typecast
Mais, Tata Cora, qu’est ce que c’est qu’un “Type-cast”?
Tout d’abord, il est important de rappeler ce qu’est un typecast. Parce que ce n’est pas tout ça mais faudrait pas oublier que des newbies passent par ici et j’essaye d’être inclusive pour les différents niveaux. Le vocabulaire GNistique, ça s’apprend, rassurez-vous.
En déconstruisant au sécateur le terme “typecast”, nous obtenons “type” d’un coté et “casting” de l’autre. En somme l’idée d’être casté toujours dans le même rôle. Tu sais, comme Noel Gugliemi, cet acteur hispano-américain qui est toujours casté dans le rôle du dangereux gangster latino en t-shirt blanc, croix en argent et bermuda ? Allez, j’suis gentille, je te met sa bouille.
Bref, le Typecast se définit principalement lorsqu’en tant que joueur ou joueuse, nous sommes fortement identifiés à un stéréotype ou un style de personnage qui nous est presque automatiquement attribué. Cela peut être volontaire ou non.
Histoire que ce soit facile à piger pour tous, il est important de rappeler dès maintenant qu’il y a plusieurs façons de se voir attribuer un personnage selon les formats de jeux :
- Ce personnage, tu l’as rédigé toi-même et/ou d’une façon globale, c’est toi qui as pu le concevoir dans ses grandes lignes.
- Tu peux donner quelques indications d’envies de personnages à l’organisation, qui va les écrire ensuite.
- Tu te retrouves avec un personnage au pif après s’être inscrit dans une faction ou un groupe, ce dernier rédigé par un scénariste de faction.
- Il s’agit d’un jeu en pré-inscription (tu ne peux pas t’inscrire librement) et les personnages sont tous rédigés par l’organisation, qui va les attribuer à des participants en fonction de leurs réponses à un questionnaire.
- Et pleins d’autres formes de conception de personnages qui ne sont pas le sujet de cet article.
Le typecast, une sécurité indéniable pour certain.e.s.
Certes, il n’y a rien de mal à jouer toujours encore et encore le même style de personnage lorsque c’est volontaire. Déjà parce que ça reste tes thunes et qui si tu veux faire le chef de guerre vétéran torturé pour la 17ème fois consécutive, bah ma foi, qu’est ce que ça peut bien me foutre au final ? HEIN ? HEIN ?!
Oui, clairement c’est réconfortant de jouer quelque chose que l’on connaît, que l’on se sent capable de contrôler et un rôle dont la thématique nous est familière. Surtout lorsqu’on débarque auprès d’une nouvelle communauté de GNistes et que l’on a peur d’être à côté de la plaque ou “pas au niveau”. J’ai par exemple, lors de mes premières expériences dans de nouvelles communautés, fait savoir en amont vers quel style de personnage j’étais le plus familière. J’étais ainsi bien plus rassurée en m’y rendant, surtout sachant que je n’aurais pas de visages connus autour de moi. Je n’avais pas envie de faire fausse note.
De plus, de part la nature même du GN qui se veut avant tout ludique pour la plupart de ses pratiquant.e.s, quoi de plus naturel que jouer ce que l’on aime ?
La seconde notion de sécurité dans le “typecast”, c’est côté organisation.
On ne se rend pas forcément compte que l’on typecaste, c’est parfois automatique et les raisons sont multiples, voire cumulables : parce que tu rédige tes personnages en pensant à des joueurs et joueuses en tête, que tu sais capable d’incarner avec perfection ce style de jeu ou pour attribuer des rôles pré-écrits. Ou alors parce que tu sais -ou tu penses savoir – ce que tes amis aiment jouer en priorité.
C’est difficilement reprochable et c’est même, au fond, louable : tu veux que ton GN se déroule bien, que la machine fonctionne parfaitement, donc tu la joues safe. T’as pas consacré des mois à ton projet pour la mayonnaise se pète la gueule pour cause de fausses notes.
Maintenant, où est le problème ? Pourquoi cette note ? Parce que pas mal de joueurs et joueuses se sont rendus compte qu’ils se sont retrouvés piégés dans le même rôle encore et encore. Comme une image attachée à leur personne, ils se voyaient attribuer ou proposer toujours la même chose. Et chez les femmes, on va pas se mentir, c’est encore plus flagrant. Rien de nouveau sous le soleil, le typecast fait chier depuis longtemps. Mais à mon tour d’apporter ma pierre à l’édifice…
La jeune fille, la guerrière, la prostituée et la mère
Bien sûr, le typecast concerne tous les genres de GNistes, mais c’est souvent quelque chose dont les joueuses se plaignent le plus souvent (ou justement, n’osent pas s’en plaindre mais vont le subir). Et surtout en fonction de leur âge. Le nombre de joueuses qui se sont vues attribuer le rôle de la “jeune première” à foison dans leurs débuts, est innombrable.
La plupart finalement, se retrouvent bloquées dans le trope bien connu, de passer de personnages gentils de débutantes, à l’exact opposé: la prostituée.
Comme s’il n’y avait pas de demi-mesures.
Si tu es une jeune femme finaude aux traits enfantins et poupins, tu vas manger d’la princesse à marier dans ta race. Tu es un tom-boy ? Tu sera la guerrière pendant un temps. Grande gueule ? Tu sera la casse-couille de service qui fait chier au mariage. Vaguement féministe et politisée, voire androgyne ? À toi les rôles de femmes marginales (voire “la lesbienne en pantalon et cibiche à la main” dans les jeux d’époques).
Peut-être parce que pendant longtemps, les rôles féminins ne sont pas exactement ce qui a été rédigé avec le plus de finesse ou de diversité dans le milieu du GN, on ne va pas se mentir.
En ce qui me concerne, j’ai longtemps souffert d’un typecast assez commun pour pas mal de meufs grassouillettes qui n’ont d’égal à leur grandes gueule que leurs gros bewbs : la tavernière gueularde ou la bonne copine prostituée au grand coeur, qui est un personnage sexualisé de nature mais finalement, sans romance ou jeu d’affection avec qui que ce soit d’autre. Un peu comme Bell Waitling dans la version 1939 d’Autant en emporte le vent.
En posant la question à pas mal de joueuses et surtout celles issues des communautés où non, il n’y a pas de personnages pré-écrits mais que l’on en rédige souvent en pensant à elles, elles se sont retrouvées piégées dans des rôles qui semblaient rassurer l’organisation. Au début, ça allait, elles étaient déjà contentes d’avoir un rôle puis c’est devenu répétitif.
Que l’on soit bien d’accord : En soit, ces intitulés de rôles ne sont pas mauvais. Ils peuvent également, passé l’archétype visible au premier regard, être empreints d’une véritable profondeur ou n’être qu’un paravent qui masque une personnalité et des enjeux complexes.
Il n’y a rien de mal à jouer la princesse, la femme au foyer, la leader, la guerrière ou des rôles “traditionnels”. Même du concept de la “pute au grand coeur” peut découler une magnifique écriture de personnage. Nous ne pouvons pas toutes jouer l’exception qui confirme la règle.
D’ailleurs, j’ai beau avoir l’instinct maternel d’un cactus en plastique, deux de mes plus beaux rôles étaient des mères-courages. Là où cela devient chiant et problématique, c’est lorsque tu ne te vois proposer QUE ce type de rôle, encore et encore et que l’on finit par te croire incapable de faire autre chose.
Pire encore, lorsque ces attributions systématiques finissent par te convaincre, que finalement, c’est non seulement ce que tu dégages mais que tu n’es bonne qu’à jouer ce style-là. D’autant plus que certains et certaines membres d’organisations le verbalisent directement.
Ton réalisme, mon emmerdement
Et curieusement, les physiques ou la catégorie d’âge des femmes, on ne va pas se cacher, peut avoir une influence non négligeable sur leur sélection dans le milieu francophone. Là où un énième barbu avec un peu de bedaine va se retrouver avec plus de variété dans le corpus des rôles (tu as déjà essayé de jouer à “Qui Est-Ce” avec des GNistes ? “Est-ce qu’il est barbu, cheveux long avec un T-shirt de Métal?” On est pas dans la merde), il n’en est pas toujours le cas pour les femmes.
Et va spécifiquement niquer ta race une fois que tu approches dangereusement de la quarantaine, voire pire, que tu oses la dépasser et vouloir perdurer dans le GN : Tu te coltineras dès lors encore plus les rôles de matriarches et toute la palette des mères. Pour peu que tu sois mère de famille, c’est tellement génial de se faire du GN pour s’échapper du quotidien…
Et j’entends hurler les rois et reines de l’ultra-réalisme : On va quand même pas filer le rôle de la jeune première ingénue à une quadra ? Bah si. Et pourquoi pas ? Vous ne savez pas que ça se fait déjà ? Et que ça se fait même très bien ?
Bien sûr, cela ne fonctionne pas nécessairement dans tous les formats et cela peut surprendre les joueurs débutants, mais dans de plus petits jeux (disons 60 joueurs max) où des trombinoscopes, des ateliers et préparations pré-jeux sont possibles, il s’est déjà vu sans souci de faire jouer n’importe quel rôle à qui que ce soit, sans limite d’âge ou de physique.
La suspension d’incrédulité peut largement fonctionner si le jeu offre un cadre immersif. Car ce qui compte, ce n’est pas le réalisme, mais l’immersion. Deux données bien différentes, que nous avons tendance à confondre et pourtant ne véhiculent pas du tout les mêmes choses.
Ces joueuses qui pour certaines, ont fondé notre hobby, qui ont pavé la voie pour tant d’entre nous et pourraient profiter aujourd’hui de la diversité et l’offre des jeux, doivent-elles à présent se retrouver bloquées dans des rôles de mères de familles quadra, de Catherine de Médicis complotrices ou de Sorcières du Village sous prétexte que l’on est pas capable de les imaginer en jeunettes débordantes d’innocences ? (spoiler alert : vous n’êtes pas obligés de les trouver bonnes pour leurs donner un rôle de bonnasses.).
Ou les petites grosses – dont je fais partie – ne peuvent-elles se rêver plus belle fille du village le temps d’un week-end ? On accepte pourtant bien que Jean-Luc et son charisme de coquillage de marée basse n’ait qu’à enfiler sa plate et son gorgerin pour que l’on accepte unilatéralement qu’il soit chef de guerre pendant 48h.
Est-ce que nous sommes toutes condamnées à passer d’une catégorie de personnages par rapport à nos âges et une fois que nous serons des quinqua, on devra jouer des rôles de sages du village jusqu’à notre mort ?
Vous trouvez cela ridicule ? Fut un temps où j’ai tant eu les mêmes rôles qu’aujourd’hui encore, lorsqu’il est nécessaire d’envoyer une photo de soi tandis que ce n’est que la phase de pré-inscription (c’est normal, cela va servir pour le trombinoscope en cas de sélection) une petite partie de mon esprit se demande si je vais recevoir un personnage en fonction de mon physique, de ce que je dégage. Pourquoi ? Parce que je connais des organisations qui fonctionnent ainsi. Je ne suis pas la seule que cette sélection au physique inquiète.
Comment sortir de son typecast ?
Il est temps d’en venir à mon expérience personnelle : Si je devais décrire mon typecast, ou plutôt le trope dans lequel j’ai failli me retrouver enfermée toute seule dès mes débuts, ce serait la “cagole sexuée”. J’ai une grande gueule et un amour sans honte pour les sequins. Il n’est pas improbable que oui, au fond de mon dressing se trouve une veste léopard mais vous n’avez pas de preuves et il vous faudra un mandat.
Il faut de plus bien reconnaître que si je devais décrire le personnage que je sais faire à l’aveugle tant j’y excelle, ce serait le stéréotype de la scandaleuse tante six fois divorcée, avec des fringues trop moulantes et qui va pincer des culs en soirée, saoule à 21h30 et qui à 23h, aura jeté son cendrier dans la tronche de son beau-frère en lui demandant de ne plus parler de l’Incident de la Grande Motte. Ou Miss Fran d’une Nounou d’Enfer.
Et très rapidement, peut-être à force de jouer toujours au sein de la même communauté et ne pas refuser ces rôles pour faire plaisir aux amis – et aussi car je me sentais très peu légitime et tellement reconnaissante- je me suis retrouvée à ne me faire donc proposer que des rôles de grandes gueules, avec leur lot de matrones et de prostituées.
Okay, mais attention, pas la courtisane confidente et lettrée, la grande horizontale de la Belle Époque, à qui on offre des roses et que son arrivée apporte des murmures dans l’assemblée. Non non, je vous parle de Germaine, éventreuse de tête de poisson façon Link : Face of Evil.
Je me suis piégée moi-même dans ce stéréotype, toute seule comme une grande, faute de me croire capable d’exécuter un autre style de personnage. Puis un jour, j’ai accepté un coup de poker d’un organisateur voulant me contre-typecaster, celui d’une gentille et jeune matriarche déboussolée, profondément douce, maternelle et gentille.
Bon okay, son évolution de personnage lui a permis de gueuler un peu vers la fin, c’est le jeu, mais ce fut globalement pour moi la révélation. Depuis dans les jeux à pré-inscriptions, j’ai appris à l’ouvrir pour exprimer exactement ce que je suis capable de faire et d’apporter à la table avec “facilité”.
Mais aussi que je n’ai aucun souci à FAIRE AUTRE CHOSE AU BESOIN.
Depuis deux-trois ans et cette décision d’ouvrir ma grande gueule réelle avant le GN pour ne pas avoir à le faire tout le temps en jeu dans la peau d’une autre, j’ai donc eu la chance de me voir proposer plusieurs personnages douces et discrètes. Je reste principalement à la recherche d’interactions sociales car je trouve assez peu de plaisir dans le jeu introspectif, mais j’ai réalisé le peu de fun qu’il y avait à refaire encore et encore la même chose.
Ce fut similaire dans la communauté internationale, où après trois rôles de prostitués à la suite, je n’ai pas hésité à écrire : “Les gars, je vous aime, mais j’en ai marre de payer 250 balles et traverser un continent pour rejouer éternellement le même personnage.”
J’en suis venue à penser : autant ne pas être sélectionnée que de recevoir le rôle que personne ne semble capable de faire ou ne semble vouloir. C’est grâce à cela que j’ai enfin pû obtenir les rôles qui me faisaient tant rêver. Et à mon tour j’ai pu jouer la cheffe de guerre, la délicate bienaimée, l’ingénue, l’imbécile du village, la traîtresse politique, la souillon locale ou la poétesse éclairée bref, de la variété.
En somme, j’ai appris à dire ce que je ne voulais pas, pour aiguiller davantage les orgas à comprendre où je pouvais leur être utile tout en continuant à m’amuser et me mettre au défi.
À qui la faute au final ? Les orgas ne sont pas des recruteurs RH, ni des clairvoyants ou des mentalistes. Ils et elles ne peuvent savoir que ce que nous leurs communiquons par le biais des formulaires ou directement par mail.
Est-ce que j’aime encore jouer des Germaines et des gueulardes de poissonnières ? Bien sûr. En soit, je m’amuse toujours autant dans ce rôle, principalement sur des jeux à-la-cool-sans-prétention. Mais à présent, je me suis rendue compte que je n’étais pas obligée d’être un poney à un tour, comme disent les ricains. Et beaucoup d’organisations se sont d’ailleurs rendues compte du drame des typecasts :
En effet, il existe pas mal de formulaires de sélections de personnages qui prennent le problème à bras le corps : ces formulaires permettent de décrire justement les personnages habituels et proposent aux participants l’option de recevoir l’extrême inverse. Et beaucoup d’organisations, ayant justement souffert d’être bloquées dans un typecast, s’amusent de donner des rôles inverses à des joueuses qu’elles ont connues encore et encore dans ce même rôle. Certes, cela reste un pari. Mais bien souvent gagnant.
Oui, il est vrai, Il peut être terrifiant de sortir de sa zone de confort, d’avoir peur de se foirer et d’être réellement, pour le coup, un erreur de casting. Toutefois, vous pourriez être surpris du résultat. C’est en essayant des rôles divers que vous pourrez savoir réellement la palette des rôles que vous souhaitez incarnez. Une amie proche, que je connaissais jouant principalement des grandes gueules indépendantes, s’est retrouvé sur un désistement, à jouer une mère de famille fragile, sacrifiant tout pour le bonheur de son fils.
Ce rôle était à des années lumières de ce qu’elle acceptait de jouer d’ordinaire et ce fut sans doute l’une des expériences les plus émouvantes pour elle. Est-ce qu’elle aurait envie de le rejouer ? Pas nécessairement, mais pour cette expérience-ci, ce rôle était parfait.
N’oublions pas : le typecast, ce ne sont pas que les organisations qui vont nous l’octroyer de base : parfois, nous nous piégeons nous-mêmes dans des rôles que personne ne nous a pourtant attribués à la base.
Et s’il était temps de te croire, de te convaincre, capable de faire autre chose ?
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