La Bouffe en GN
C’est quoi la place de la nourriture dans un GN ? Ici, ça cause de logistique, d’équipes cuisine, d’immersion et de gameplay…
“Comment se déroule la gestion de la nourriture en GN ?”. Voilà une question qu’on me pose fréquemment et qui est légitime lorsqu’on débute dans le grandeur nature.
Tout d’abord, les informations relatives au catering sont souvent indiquées dans la note/lettre d’intention. Rappelons-le, une note d’intention est un (une série de) document(s) qui va (vont) introduire le GN avant l’ouverture des inscriptions et donner les informations pratiques. Elle peut être diffusée sur les réseaux sociaux, sur les sites internet officiels des événements, etc.
Bon, on va pas se mentir, tout le monde ne fait pas (encore) de note d’intention, je sais. Cela ne sert à rien de m’envoyer des mails pour me dire que je suis une imbécile parce que je présume le contraire : je vous ferai savoir que je suis en plein biz avec un héritier nigérien coincé dans une chambre d’hôtel qui veut me léguer l’intégralité du pognon de son daron, alors, c’est qui l’imbécile, hein ?
Le but de cet article est de filer une vision d’ensemble et un point de vue “général”. Mes lecteurs suisses, québécois et belges me pardonneront, cet article sera malheureusement un peu franco-centré…
Quand la nourriture est prise en charge par le GN
Il est récurrent que la nourriture soit incluse dans ta P.A.F (participation aux frais) si c’est associatif, ou ton billet si ton GN est organisé par du privé. Dans ce cas-là, ce sera annoncé à l’inscription, enfin sauf mauvaise surprise et soucis d’organisation.
Selon le lieu où le jeu est organisé mais surtout le thème, la cuisine sera sophistiquée ou minimaliste. Il n’est pas rare que les équipes cuisine (bénévoles, la plupart du temps) doivent se débrouiller sur des sites sans électricité et parfois sans points d’eau. Les “menus” sont souvent annoncés à l’avance et certains arrangements peuvent être faits selon les différents régimes alimentaires.
A partir du moment où tu sais que la nourriture est prise en charge par le jeu, n’hésite jamais à contacter l’organisation s’il y a besoin de faire des aménagements. Bon, ça reste des bénévoles avec un budget relativement réduit, donc si c’est vraiment impossible de couvrir tes restrictions alimentaires, tu seras peut-être encouragé.e à ramener ta graille, quitte à pouvoir la stocker dans un frigo ou une glacière.
Dans la majorité des GNs, il est demandé aux participant.e.s de ramener leurs couverts et de quoi boire. C’est-à-dire un contenant hein, ramène pas pour autant la gnôle de prune que l’arrière-grand-papy faisait dans la baignoire et qui, accessoirement, sert aussi de nettoyant à baignoire. Je t’encourage d’ailleurs à investir assez rapidement dans un set de couverts passe-partout dans l’ambiance des GNs. Alors, tu peux en trouver sur la plupart des sites de vente de matos (Mon GN, Larp Center, La Chaumière ou encore Aux Portes des Rêves en Belgique..) mais tu peux aussi attendre la période des braderies dans l’espoir de trouver une gamelle en bois et de joli couverts métalliques. (Sinon, l’option artisan ça marche aussi, mais pareil, on va pas t’en vouloir pour une première expérience..)
Pour du post-apo, du matériel de camping n’est pas choquant surtout pour un premier jeu (puis il y a le côté “récup” qui va avec le thème) mais pareil, n’hésite pas à faire des tours dans les surplus de l’armée pour trouver des gamelles en métal. Petit point à prendre en compte : la gestion des déchets. Certains GNs mettent en place des systèmes de tri et même des composts sur-site. Mais histoire que l’asso n’ait pas à passer derrière des porcheries, pense à prendre des sacs poubelles de ton côté.
Mais qui s’occupe du miam ?
Si cet aspect n’est pas géré par les membres de l’association organisatrice, il n’est pas rare que la nourriture soit déléguée à des équipes spécialisées (les fameuses “Team Bouffe/Cuisine”), des associations dédiées au catering, voire même des entreprises qui font office de traiteur.
Il existe d’ailleurs un groupe Facebook (intitulé Cuisine GN – Orgas et équipes de cuisine si tu as besoin de pousser un coup de clairon parce qu’il te faut une équipe cuisine, afin de trouver une solution qui va s’adapter au mieux au budget et à l’ambiance du GN.
Plusieurs associations, notamment – mais pas exclusivement – Rôle, Lutetia Lacrymae, Coryphée ou encore la Morsure de l’Hiver, sont assez notoires pour leurs équipes cuisine (et pitié ne venez pas me trashtalker que j’ai pas mis la vôtre, je n’ai pas la prétention de faire de cet article un référencement des teams-bouffe francophones). Il existe également des associations spécialisées dans le catering de GN, tel que Les Éternels Cuisiniers, La Trollmobile, la Cave au Grenier ou encore Bee GN, pour la Belgique. Okami No Enkai, d’un autre coté, est une entreprise spécialisée dans la restauration asiatique se produisant régulièrement sur les GNs dont c’est la thématique.
Hey, il y a même des chef.fe.s réputé.e.s dans le milieu du GN. Si si.
D’ailleurs, si je peux me permettre, rejoindre une équipe bénévole pour faire la logistique bouffe, c’est une chouette expérience pour découvrir le milieu. Rien de tel que le stress des fourneaux, de l’apéro post-service, pour faire des rencontres qui vont vous mener sur d’autres jeux et ainsi débuter dans le milieu.
Parfois, ces expériences permettent d’avoir des petits rôles PNJ (personnages non-joueurs) quand c’est possible. Moi, par exemple, je ne voulais pas participer au Mass Larp français Légendes d’Hyborée (aka, Conan), persuadée que ce ne serait pas ma came. Je m’y suis rendue en août 2018, car j’étais bénévole auprès de la Trollmobile, une association qui propose de la restauration sur des GNs. Suite à cette expérience, bah j’ai décidé de rempiler pour le 5ème épisode, mais cette fois-ci directement comme joueuse.
Certes, il y a un côté un peu frustrant de voir les gens jouer pendant que tu “bosses”, mais l’ambiance globale reste très sympa, sans compter que tu payes bien moins cher, voire rien du tout (bah oui, tu viens rendre service et tu ne profites pas du jeu, tu vas quand même pas foutre 100 balles sur la table pour rien. Si on parle de payer pour suer, je peux enfiler ma combi de ski et infuser gratos dans mon plumard devant Tiger King, c’est tout comme et je risquerai pas le coup de soleil).
Les tavernes “scénarisées”
Autre cas de figure régulier du monde du GN, très fréquent sur les mass-larp, celui des tavernes scénarisés. Je dis “taverne” mais vous pouvez remplacer ça par buvette, cantine, bar ou autre selon le format et l’ambiance du jeu. Ces tavernes ou restaurants sont bien souvent régis par des associations indépendantes à la demande de l’organisation. Les membres sont alors presqu’exclusivement des PNJ et sont là pour apporter de l’ambiance sur le GN. Ils vont alors servir des boissons (alcoolisées ou non), parfois de la petite (ou grande) restauration et surtout, apporter un décorum supplémentaire sur le jeu.
Alors bien sûr, niveau implication “roleplay” dans les différentes tavernes, il y à boire et à manger (ahah, boire, manger, bouffe de gn, humour. Comédie française, m’sieur-dame) et les gestionnaires de tavernes ne sont pas forcément là pour faire de simples serveurs et barmaids en chemisette Leonardo Carbone. Les membres peuvent parfois se voir confier des rôles sur le côté ou même devenir des points d’intérêts pour le jeu afin d’encourager les participant.e.s à s’y rendre… Voire être le centre de véritables intrigues.
Et on va pas se mentir, certaines de ces associations sont presque devenues pro’ là-dedans. Elles connaissent la logistique et peuvent contribuer à une déco que l’asso qui organise, seule, ne pourrait pas apporter. Ces associations ne sont pas là que pour faire PNJ et servir le café, certaines organisent leurs propres événements et GN en parallèle.
Je pense notamment à l’asso française BHL (Bounty Hunters Légion, hein, et non pas le chéri d’Arielle Dombasle, suivez bon sang), que j’ai vu je ne sais combien de fois gérer des bars hauts en couleurs, avec son lot de fumiers et magouilleuses de première catégorie. Mais toujours avec style.
Il n’est toutefois pas toujours facile de gérer le jeu de rôle, l’immersion et la logistique. Notamment pour les cuistots qui ont des impératifs de temps, de budget et qui ne sont pas à l’abri de matériel défectueux sur place (#RIPlesgénérateurs). Vu la forme de stress que cela représente, lorsqu’on est en cuisine de GN, même en costume, il est parfois difficile de rester roleplay quand des gens sont dans le passage. C’est sans doute le domaine où la clémence face au hors-jeu peut couler à flot…
La maison ne fait pas (toujours) crédit
Dans l’éventualité où les repas et tes boissons ne sont pas compris dans ton “ticket” à l’inscription, que tes repas ne sont pas réservables sur une plate-forme de réservation en amont ou du genre carte-boisson et que de la restauration se fait sur place, prends du cash. On va pas rêver, tu ne vas pas trouver de terminal de paiement mobile dans la majeure partie des GNs en France. La plupart du temps, notamment sur les Mass Larp, je te conseillerai d’avoir toujours du liquide sur toi, déjà parce que tu risques de trouver des stands de bouffes (et pas que de bouffe, d’ailleurs) extérieurs qui, si tu leur proposes de l’argent de jeu, vont te rire au nez comme Ray Liotta dans Les Affranchis.
Ensuite, parce que tout comme tu ne peux pas payer tes graphistes en visibilité, tu ne peux pas payer la petite boulangère/pâtissière indépendante avec des applaudissements à 20h ou des pièces en plastiques achetées par paquet de 500 sur Aliexpress 8 mois plutôt. Et quand je parle d’argent de jeu, je veux dire la monnaie fictive qui va être utilisée pour le troc et les échanges en jeu. Cela peut prendre toutes les formes possibles !
Si elles sont financées directement par l’association, les tavernes scénarisées qui vont servir des boissons prévues dans le budget du GN vont souvent accepter des cartes boissons ou bien la monnaie du jeu. Mais là encore, rien n’empêche ces tavernes de proposer d’autres choses, plus chères, qui là pour le coup vont accepter un paiement en vrai flouze (euros, dollars, pesos, roubles, ce qui te passe sous la main).
Toutefois, les “buvettes” ou micro-stand de nourritures qui te demandent de payer en argent réel sont peu fréquent sur les petits GNs. Parce que ce n’est pas la même logistique de faire des services pour 50 et 850 joueurs sur plusieurs jours et pas nécessairement rentable.
La nourriture et les repas : éléments de jeux, d’ambiances et d’immersions
Selon le format du GN, le moment du repas est soit totalement hors-jeu ou non. Mais la nourriture est bien souvent intégrée au mieux dans le GN. Il y a par exemple des formats en mode repas quatre couverts, avec trois changements de tenues dans la même journée et le dîner dans le manoir à la lumière des candélabres. Le repas y est alors intégralement joué bien sûr.
Toutefois, dans un schéma où le service du repas est cantonné à un espace et des heures de services à respecter, c’est un peu plus difficile de rester “en jeu”. Surtout quand tu dois faire la queue pour la tambouille avec ta gamelle, à côté du mec dont tu as juré la mort six minutes plus tôt et dont la seule mention doit mener ton personnage à la guerre. C’est donc souvent un moment de flottement, en quelque sorte. Si ce moment là n’est pas directement considéré comme une zone ou une heure hors jeu, ma foi, tu fais abstraction “for the good of the realm”.
Pour autant, la gestion de la restauration et la nourriture peuvent devenir des éléments du gameplay et de l’ambiance. Elles peuvent alors devenir “diégétiques”, c’est-à-dire qu’elles s’intègrent à l’univers du jeu, à l’inverse des raviolis Buittoni en conserve du campement d’inquisiteur med’, faute de cantine sur place. Et non pas diététique, parce que la ration militaire française, cela reste 6000 calories ce bordel. Je suis là pour prendre plaisir, pas des hanches.
Toutefois, à l’inverse de cette pauvre Meryem sur le plateau de C’est mon choix, PARFOIS on vient ici pour souffrir, okay. Bien au delà de juste servir des petits plats cossus dans une ambiance Downton Abbey, les repas peuvent être volontairement infects et répugnants. Pire, la nourriture peut d’ailleurs être rarissime et c’est cette rareté qui lui confère une valeur, ainsi qu’une place dans l’intrigue.
Que ce soit par exemple Nexus-6, un GN français militaro-dystopique, organisé par eXpérience ou La Ville (à l’inspiration Silent-Hill-Twin-Peaks) par l’association belge Et Encore, la pitance était rare dans les deux cas. Les joueurs devaient alors se priver de nourriture, la rationner et la partager (ou non). Dans le cadre d’un autre jeu historique dont je ne citerai pas le nom (parce les participants ne savent pas qu’ils vont se retrouver plongés dans cette période) nous avons eu le droit à un repas sous l’Occupation.
Pas de café mais du “café national”, une sorte de tord-boyaux/ersatz, accompagné de soupe de navet (plus exactement, un pauvre navet solitaire, flottant tel Jack de Titanic dans un bouillon plus blanc que le casting de la version ciné de Dragon Ball Z). +145 en immersion (et maux de ventre garantis).
Mais dans chacun de ces cas de figures, il existait des solutions parallèles hors-jeu. De fait, la privation volontaire devenait alors un choix des participant.e.s. Si cela les immergeait davantage dans l’ambiance, parfait, mais si tu avais un creux ou une chute de sucre, une salle hors-jeu, en retrait, proposait de la vraie nourriture, des boissons ainsi que de la “comfort food”.
Et je peux vous dire que s’il fallait choisir entre le Tiramisu au spéculoos de la salle hors-jeu de La Ville et Henry Cavil m’attendant à poil dans un bain, je serai de nouveau la tronche la première dans le mascarpone, comme s’il y avait un diamant surprise au fond du plat.
La nourriture peut ainsi prendre une place prépondérante et à force, rejoindre le folklore du jeu, épisode après épisode. C’est notamment le cas à Clones, un GN sci-fi belge organisé par l’association Garou ASBL qui utilise les fameuses rations de survie de l’armée française comme nourriture sur le jeu.
Tels les dinosaures de Jurassic Park et leur besoin en lysine, les personnages de ce jeu en épisode ont besoin d’un élément se trouvant dans ces rations pour survivre. Chaque épisode de ce GN durant quatre jours, les moments de repas deviennent dès lors des rendez-vous sociaux, la cantine étant même gérée par une faction de joueurs.
Avec le temps, le contenu des rations fait désormais l’objet de blagues internes, voire de chansonnettes dans l’univers. Apporter une portion de nourriture à un collègue de section bossant comme un fou depuis des heures, à 3h du matin, fait parti de ces gestes renforçant le réalisme. S’approcher d’une table de personnages avec qui nous n’avons aucun lien, pour échanger ses sachets de thés contre du café soluble, permet ainsi de créer des amitiés surprenantes.
Enfin, il serait difficile de ne pas parler de la place de la nourriture sans mentionner Une Journée de Hobbit, un GN belge à venir, organisé par Lîdje Asbl. Un jeu sans prétention, totalement “feel-good”, paisible, qui se base sur un long, long repas en plusieurs services entre Hobbits. La nourriture est alors au cœur du jeu…
Super, génial, mais sur mon prochain GN, il y a RIEN de prévu. Nada. Que dalle.
Oui, il est vrai. Parfois, la nourriture n’est pas du tout prise en charge par l’organisation du GN. Rien que des “tavernes” pour de la petite restauration (et le café du matin, pour calmer les caféines-junkies qui peuvent vite devenir génocidaires sans ça).
Et imaginons le cas extrême : rien de tout ça. Que dalle.
Si tu es dans un groupe particulier, je t’encourage à lancer un système d’intendance auprès de ta faction ou du groupe d’individus avec qui tu te rends sur le jeu. Cela permet de partager le matériel (histoire que vous ne vous retrouviez pas avec 12 ouvre-boîtes et pas le moindre réchaud), partager les coûts et créer une certaine atmosphère de groupe. Il est toujours pratique d’avoir une “tente d’intendance”, ainsi qu’une personne qui va gérer cela, pour pouvoir planquer les poubelles, les bidons d’eaux ou la glacière.
Par ailleurs, même lorsqu’il existe des solutions de restauration, certaines personnes préfèrent justement organiser des repas de groupe pour une meilleure cohésion ou par simple logique interne liée au roleplay. Notamment pour des groupes aux scénarios relativement solitaires (ou genre, les ennemis locaux quoi). Histoire de pas se retrouver avec Raspoutine et Lénine partageant un frichti à l’auberge du coin…
Dans les grosses factions de joueurs, certaines organisations vont même jusqu’à octroyer un tarif plus avantageux pour les joueurs venant faire l’intendance du groupe (installer les tentes, gérer la nourriture, le nettoyage…).
Soit pas con.ne si tu es seul.e. Demande de l’aide, communique en amont avec les gens pour te trouver un espace pour manger. Si possible des gens qui ne vont pas incarner tes ennemis. Sinon, tu peux toujours te prendre une petite glacière – respecte la chaîne du froid, hein – si c’est pour une courte durée. Ou espérer que quelqu’un soit en train de faire un feu de camp et y faire bouillir de l’eau, histoire que tu puisses emprunter de l’eau chaude pour tes nouilles instantanées (ou nettoyer ta cup, l’un n’empêche pas l’autre).
En espérant que cet article te sera utile pour préparer ta première graille en GN. Sur ce, je ne te retiens pas plus longtemps, tout ça m’a donné faim : Bon appétit.
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